Avez-vous déjà eu les yeux secs ou irrités, de la fatigue oculaire, une sensation de « grain de sable », des picotements, des démangeaisons ou une vision floue? Ces inconforts sont plus courants qu’on ne le pense.
Au Québec, une personne sur trois ou quatre souffre de sécheresse oculaire. Avec l’omniprésence des écrans dans notre quotidien, que ce soit les ordinateurs au travail, les téléphones, les tablettes ou les téléviseurs, cette condition touche désormais tous les groupes d’âge. Bien que 35 % de la main-d’œuvre québécoise télétravaille encore en mode hybride, le problème ne se limite plus au télétravail : il affecte tous ceux qui utilisent régulièrement des écrans.
Les écrans, le vieillissement, le chauffage, les lentilles cornéennes, les allergies saisonnières et la pollution sont tous des facteurs qui accroissent le risque.
Depuis la pandémie, beaucoup ont pris l’habitude de passer plus de temps devant un écran, que ce soit au travail, à la maison ou lors des loisirs. La sécheresse oculaire s’impose comme une condition de plus en plus répandue.
Qu’est-ce que la sécheresse oculaire ?
La sécheresse oculaire survient lorsqu’il y a une diminution de la production de larmes ou si la qualité du film lacrymal est altérée. Les larmes sont essentielles pour la vision et pour la cornée : elles forment une barrière protectrice et antimicrobienne pour l’œil. Le film lacrymal se compose de trois couches : lipidique (l’huile), aqueuse (l’eau) et mucinique (la colle). Celles-ci protègent et lubrifient l’œil. La couche lipidique, produite par les glandes de Meibomius, est souvent en cause dans la sécheresse évaporatoire, car c’est elle qui limite l’évaporation des larmes.
Il est possible, quand vos yeux sont très secs, qu’ils se mettent à pleurer davantage. On parle ici de larmoiement réflexe. Cela ne veut pas dire que vos yeux sont hydratés, c’est seulement une réaction de compensation temporaire, qui apporte peu de soulagement. Il est alors important d’utiliser des gouttes pour améliorer cette hydratation.
Selon l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, on cligne normalement environ 15 fois par minute, mais seulement 5 fois devant un écran. Ce clignement réduit entraîne une évaporation accrue des larmes et aggrave la sécheresse oculaire.
Deux grands profils de sécheresse
Sécheresse évaporatoire
La plus fréquente, elle survient lorsque l’œil produit suffisamment de larmes mais qu’elles s’évaporent trop vite. Elle est souvent liée à un dysfonctionnement des glandes de Meibomius ou à un environnement sec.
Sécheresse aqueuse
Plus rare, elle survient quand les glandes lacrymales produisent trop peu de larmes, parfois à cause des hormones, d’une chirurgie oculaire ou de certaines classes de médicaments comme certains contraceptifs oraux, antidépresseurs ou antihistaminiques.
Comment prévenir la sécheresse oculaire ?
Plusieurs gestes simples, adaptés à notre mode de vie numérique, peuvent aider :
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- Appliquer la règle du 20-20-20 : toutes les 20 minutes, faire une pause et regarder au loin (au moins 6 mètres) pendant 20 secondes et cligner des yeux lentement 10 fois. Cette règle s’applique partout : au bureau, à la maison, même devant votre téléphone.
- Aménager votre poste de travail : placer le haut de votre écran à la hauteur de vos yeux, à une distance d’environ un bras. Pour le téléphone et la tablette, les garder à une distance équivalente à celle entre le coude et le bout des doigts.
- Optimiser votre environnement : aérer régulièrement, utiliser un humidificateur au besoin (surtout avec le chauffage ou la climatisation) et éviter les courants d’air directs sur votre visage.
- Éviter les reflets et l’éblouissement : positionner l’écran perpendiculairement aux fenêtres.
- Éviter les irritants : lieux enfumés ou poussiéreux, forts vents, mauvaise qualité de l’air ambiant, smog ou fumée de feux de forêt intenses.
- Appliquer tout maquillage avec précaution : éviter d’appliquer du maquillage à l’intérieur de la ligne des cils et bien démaquiller chaque soir pour ne pas obstruer les glandes de Meibomius.
- Adopter une hygiène de vie saine : boire suffisamment d’eau, privilégier une alimentation équilibrée et riche en oméga-3 et pratiquer régulièrement de l’activité physique.
- Appliquer des compresses humides chaudes sur vos paupières pendant quelques minutes pour stimuler les glandes de Meibomius.
- Cligner consciemment : fermer complètement les paupières plusieurs fois de suite, cela aide l’œil à répartir uniformément le film lacrymal.
Comment traiter la sécheresse oculaire ?
Plusieurs traitements vendus en pharmacie existent au Québec pour atténuer la sécheresse oculaire. Toutefois, il est important de rappeler que ces traitements ne permettent pas de guérir la sécheresse oculaire. Ils visent seulement à la soulager. Un choix judicieux doit tenir compte de différents éléments.
Technique d’utilisation
Que ce soit une goutte ou un onguent, il est important de toujours se rappeler ces quelques conseils pour utiliser de manière optimale et sécuritaire votre produit oculaire.
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- Se laver les mains avant d’utiliser les produits.
- Éviter de toucher votre œil avec l’embout du contenant.
- Espacer d’au moins 5 à 10 minutes l’application de deux produits différents lorsqu’ils sont utilisés consécutivement. Cela permet une absorption optimale de chaque produit.
- Appliquer toujours les gouttes en premier, les gels en deuxième et les onguents en dernier.
- Vérifier avec votre pharmacien qui pourra vous indiquer l’ordre optimal lors de l’utilisation de produits oculaires prescrits.
- Ne pas partager vos produits oculaires.
Les larmes artificielles
Les larmes artificielles visent à humidifier et à lubrifier la surface oculaire, en apportant un confort immédiat et un soulagement des symptômes après quelques jours d’utilisation. Pour rester efficaces, elles doivent être appliquées plusieurs fois par jour.
Au Québec, on trouve plusieurs types de larmes artificielles. Par exemple, certaines contiennent des phospholipides et un corps gras qui imite la couche lipidique des larmes naturelles. Cette composition aide à réduire l’évaporation rapide des larmes, à stabiliser le film lacrymal et à lubrifier la surface oculaire. L’action peut durer plusieurs heures, ce qui peut limiter le nombre d’instillations quotidiennes.
Les formulations à base d’hyaluronate de sodium se lient à l’eau pour protéger la cornée et prolonger le temps de rupture du film lacrymal. Certaines formules combinent hyaluronate de sodium et phospholipides pour une efficacité maximale.
Les formulations sans conservateur réduisent le risque d’irritation lié à certains agents comme le chlorure de benzalkonium. Si vous utilisez des larmes artificielles plusieurs fois par jour, ces versions seront mieux adaptées à vos besoins.
Soyez prudent dans l’utilisation de gouttes « anti-rougeurs ». Celles-ci contiennent, pour la plupart, des décongestionnants topiques. Avec une utilisation fréquente, ces produits peuvent augmenter la pression oculaire, provoquer une rougeur de rebonds et ne sont pas adaptés pour hydrater les yeux.
Les onguents ophtalmiques
Les onguents ophtalmiques sont plus visqueux que les larmes artificielles, ce qui prolonge le temps de contact avec la surface oculaire. Par rapport aux larmes artificielles, ils brouillent la vision juste après l’application, d’où leur usage habituel le soir.
Les gels ophtalmiques
Les gels perturbent moins la vision que les onguents, car ils se liquéfient au contact de l’œil, ce qui permet de les utiliser le jour. Ils nécessitent aussi moins d’applications tout au long de la journée que les larmes artificielles.
Vous portez des lentilles cornéennes ?
Voici 3 rappels importants concernant les traitements de l’œil sec quand vous portez des lentilles cornéennes.
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- Privilégier des formules sans agent de conservation car la majorité de ces agents sont nocifs pour les lentilles.
- Porter attention aux informations fournies. Certains collyres exigent de retirer les lentilles et d’attendre environ 15 minutes avant de les remettre.
- Vérifier l’étiquette avant l’utilisation et demander conseil à votre pharmacien si nécessaire.
Traitements avancés disponibles
Pour les cas plus sévères, il existe des options médicamenteuses ou thérapeutiques. Votre médecin, ophtalmologiste ou optométriste peut vous les recommander si nécessaire. N’hésitez pas à consulter votre pharmacien qui saura vous orienter vers le bon produit pour vous.
Quand consulter ?
Consultez un professionnel de la santé oculaire si :
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- Les symptômes persistent au-delà de 48 heures malgré le traitement.
- Apparition d’écoulement purulent.
- Modification de la vision, sensibilité à la lumière ou douleur oculaire intense.
- Symptômes récurrents nécessitant un traitement répétitif.
Une condition désagréable en pleine expansion
La sécheresse oculaire est la pathologie la plus traitée par les professionnels de la vision. Avec l’évolution de nos habitudes numériques, le vieillissement de la population et les changements environnementaux, cette condition nécessite une approche préventive combinant des mesures d’hygiène oculaire quotidiennes et l’accès facilité aux traitements modernes.
Que vous travailliez au bureau, à la maison ou que vous soyez simplement un utilisateur régulier d’appareils numériques, adopter ces bonnes pratiques peut grandement améliorer votre confort oculaire au quotidien.
Sources
Association des Optométristes du Québec – Sécheresse oculaire
https://www.aoqnet.qc.ca/vision/maladies/secheresse.php
École d’optométrie – Université de Montréal – Usage des écrans et santé des yeux
https://opto.umontreal.ca/clinique-patients/cliniques-specialisees/usage-des-ecrans-et-sante-des-yeux/
Statistique Québec – Portrait du télétravail au Québec
https://statistique.quebec.ca/fr/communique/portrait-teletravail-quebec
Santé Estrie – Ordonnance collective larmes artificielles
https://www.santeestrie.qc.ca/clients/SanteEstrie/Professionnels/Ordonnances_collectives/Ordonnances-collectives-regionales/OC-PH-004_larmes_artificielles2024-05-23.pdf
Eye Am – Yeux secs et écrans
https://eye-am.ca/2021/03/12/yeux-secs-cest-peut-etre-la-faute-de-vos-ecrans/
CooperVision – 10 conseils pour contrer le syndrome de vision informatique
https://coopervision.ca/fr/blogue/10-conseils-pratiques-pour-contrer-le-syndrome-de-vision-informatique
TFOS DEWS II – Rapport Prise en charge et traitement
https://www.tfosdewsreport.org/report-rapport_prise_en_charge_et_traitement/147_36/fr/
AOQ – Sérum autologue et yeux secs
https://www.aoqnet.qc.ca/assets/flasho/26559-AOQ_Revue_Janvier-Fevrier_2024_Article_3.pdf
PMC – Le syndrome de l’œil sec, une pathologie en forte progression
https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC8808765/
Science Direct – Prevalence of dry eye disease in Ontario, Canada: A population-based survey
https://doi.org/10.1016/j.jtos.2019.02.011
Association canadienne des optométristes – Oeil sec (maladie de la surface oculaire)
https://opto.ca/fr/bibliotheque-sante-oculovisuelle/oeil-sec-maladie-de-la-surface-oculaire
Auteur : Jean-Philippe Simon, pharmacien
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